Au Cameroun, AMMCO poursuit la lutte biologique contre l’invasion de la Salvinia dans le lac Ossa !

Le lac Ossa, situé dans la région du Littoral, sur la côte camerounaise, est confronté depuis plus de cinq ans à l’invasion de la plante Salvinia molesta, communément appelée fougère d’eau. En 2021, les 4 000 ha du lac étaient recouverts à près de 50 % par cette plante. Depuis, les équipes de l’African Marine Mammal Conservation Organization (AMMCO) tentent de mettre en place des mesures pour éradiquer cette espèce invasive.

La cause probable de cette prolifération est une augmentation soudaine de nutriments d’origine anthropique venant de l’amont du bassin versant de la Sanaga, tels que l’azote et le phosphore. Les conséquences de ce phénomène sont aussi bien écologiques que socio-économiques : obstruction des voies de navigation, réduction des captures des pêcheurs, destruction des filets et mise en concurrence avec la principale source d’alimentation du lamantin. Ce constat a poussé AMMCO à œuvrer pour réduire, voire éradiquer cette plante du lac Ossa. Avec le soutien de la Louisiana State University, l’UICN, Save Our Species et de la PBNF, AMMCO a initié la lutte biologique, à l’aide d’un prédateur naturel : le charançon de Salvinia : Cyrtobagous salviniae.

Avec le soutien du gouvernement Camerounais, des charançons ont pu être importés des États-Unis. Ainsi, en juillet 2021, 1 000 charançons ont été introduits dans une parcelle pilote dans un coin du lac. Des sorties mensuelles sur le terrain ont permis de suivre l’évolution du charançon, son impact et les paramètres physico-chimiques de l’eau.

Les premiers mois ont semblé infructueux du fait de la difficulté de percevoir des signes d’alimentation du charançon ou d’autres indices de dégradation de la plante. C’est en février 2022 que la présence des tous premiers charançons a été confirmée et des signes d’alimentation observés.

Le tapis verdoyant de salvinia est en effet devenu marron, preuve d’un état de stress chez la plante.

Aujourd’hui, les charançons se multiplient de manière exponentielle et sont visibles dans la majeure partie du lac. Leur densité estimée est de 4 à 30 charançons par kg de Salvinia (avril 2023). Par ailleurs, les analyses satellitaires montrent une diminution de 70 % de la couverture en Salvinia sur l’ensemble du lac.

Une autre méthode de lutte contre la Salvinia consiste à son retrait manuel à des fins de transformation en charbon écologique, un moyen de valoriser cette plante peu attrayante.

Ces actions cumulées semblent avoir des impacts positifs puisque des lamantins ont été observés à plusieurs reprises dans le lac cette année, après plus de deux ans sans aucune observation directe.

Du côté des pêcheurs, les captures de poissons se sont améliorées et les espaces navigables du lac s’accroissent.

Quant aux potentiels impacts négatifs (santé humaine poissons, etc.), le suivi mené par AMMCO et les observations des résidents n’en ont signalé aucun jusqu’ici.

L’un des défis actuels de cette lutte reste la dissémination des charançons dans les zones inaccessibles et à forte densité de Salvinia.

Il reste cependant important de comprendre que la lutte biologique permet seulement de réagir sur les effets visibles de la Salvinia sans agir à la source. Avec le soutien du Programme PPI, AMMCO a initié une étude qui vise à analyser et comprendre les sources d’éléments nutritifs du lac Ossa. Ceci permettra à court ou moyen termes de mener des actions et des plaidoyers pour une meilleure Gestion Intégrée de la Ressource en Eau (GIRE) dans le bassin versant de la Sanaga.