Pour une société civile africaine porteuse de Solutions fondées sur la Nature : retour sur un atelier d’échanges d’expériences au Bénin !
Published on 5 octobre 2023Comment intégrer le concept international de « Solution Fondées sur la Nature » dans le montage des projets de conservation de la biodiversité dans les contextes africains ? Depuis un an, ces réflexions font l’objet d’un accompagnement spécifique du Comité Français de l’UICN via son Programme de Petites Initiatives, qui vise à appuyer l’émergence de la société civile africaine engagée dans la conservation de la biodiversité. Après avoir lancé un appel à projet, en février 2022, avec l’appui de la Fondation Groupe EDF, pour soutenir deux projets de Solutions Fondées sur la Nature, au Sénégal et au Bénin, le PPI s’est associé au programme Ecosystèmes du CF UICN et à l’ONG bénéficiaire du financement SfN Centre d’Actions pour l’Environnement et le Développement Durable (ACED) pour organiser conjointement un atelier les 19 et 20 juillet 2023. Une réelle occasion pour le CF UICN et l’ONG ACED de partager leurs expertises mutuelles en la matière.
Les SfN pour répondre aux enjeux environnementaux et sociaux en Afrique
Concept adopté en 2016 par l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN), les SfN désignent les actions visant à protéger, gérer de manière durable et restaurer des écosystèmes naturels ou modifiés pour relever directement les enjeux de société de manière efficace et adaptative, tout en assurant le bien-être humain et en produisant des bénéfices pour la biodiversité. Cependant toutes les actions qualifiées de « SfN » ne procurent pas les bénéfices anticipés tant pour la société que pour la biodiversité et le potentiel mondial des SfN est loin d’être pleinement exploité.
C’est particulièrement le cas en Afrique sub-saharienne, alors que de plus en plus de bailleurs présents sur le continent s’intéressent à l’intégration des SfN dans les projets de développement, en cohérence avec le nouveau Standard mondial de l’UICN. Lancé en 2020, ce référentiel entend doter ses utilisateurs d’un cadre rigoureux de conception des SfN et leur permettre de vérifier qu’elles produisent les effets souhaités en répondant à un ou plusieurs enjeux de société.
Dans ce contexte, et avec l’appui de la Fondation Groupe EDF, le PPI a lancé en février 2022 un appel à projet spécifique qui a permis de financer les projets de deux associations partenaires historiques du PPI en Afrique de l’Ouest : l’ONG sénégalaise de la Réserve Ornithologique de Kalissaye (ROK) avec un projet de « Gestion des Forêts de Mangroves de Kalissaye pour la sécurité alimentaire et la préservation des équilibres écologiques » et l’ONG Béninoise ACED avec un projet de « Renaturation de la ville d’Abomey-Calavi : vers une ville nourricière et biodiversifiée ». Avec cet appel à projet, un constat a été fait : le concept de SfN reste assez flou pour beaucoup d’OSC locales et le standard mondial peu connu.
Ainsi, dans une optique d’accompagnement de la montée en puissance de la société civile africaine sur cette thématique novatrice et porteuse de changement, le PPI s’est associé au programme Ecosystèmes du CF UICN ainsi qu’à l’ONG béninoise ACED, pour organiser un atelier sur les SfN au Bénin, grâce à l’appui de la Fondation Groupe EDF, avec comme objectif final d’appuyer les OSC dans le montage de projet et la recherche de financement sur cette thématique.
Un atelier co-conçu et participatif de renforcement des capacités de la société civile sur les SfN
Destiné aux OSC béninoises mobilisées sur les questions de développement et de conservation de la biodiversité, l’atelier SfN s’est tenu durant deux jours les 19 et 20 juillet à Abomey Calavi au Bénin, dans les locaux de l’ONG ACED. Une vingtaine d’ONGs étaient présentes, parmi lesquelles les partenaires historiques béninois, les nouveaux partenaires bénéficiaires du PPI mais aussi des membres de l’UICN Bénin ainsi que trois partenaires historiques régionaux intéressés par les sujets SfN comme BISSAKOUPOU et AGEREF/CL basés au Burkina Faso et l’ONG sénégalaise ROK, lauréate du financement SfN PPI.
Animée par Rodrigue Castro Gbedomon, directeur de la recherche et de l’apprentissage chez ACED, Nicolas Rodrigues, chargé de mission SfN au CF UICN et Damien Martin, coordinateur pour le renforcement de capacités des ONGs PPI pour la zone Afrique de l’Ouest, cette formation participative à la fois théorique et pratique s’est basée sur une démarche de co-apprentissage de manière à faciliter la participation des OSC, et permettre une meilleure compréhension du standard mondial via des exemples concrets extraits des projets PPI.
Qu’elles soient spécialistes de la renaturation en ville, de la gestion des forêts, de zones de savanes ou encore de la gestion du littoral ouest Africain, les ONGs participantes ont pu chacune mobiliser leur expertise pour développer des échanges constructifs autour de l’application des SfN dans le montage de projet de conservation de la biodiversité en Afrique de l’Ouest.
En mêlant théorie, visite de terrain, exercices pratiques, restitution orales, jeux « brise-glace » et quizz d’évaluation, la formation s’est déroulée dans une vraie dynamique collaborative où les OSC participantes ont pu appréhender l’ensemble des critères au regard de leurs propres projets.
» Grâce aux travaux pratiques en groupe, nous avons eu l’opportunité de nous imprégner du contenu de chaque critère. Aujourd’hui, je comprends mieux le Standard SfN et je compte vraiment l’adapter à nos projets ! L’avantage de cet outil est de pouvoir faire ressortir les aspects positifs dont la biodiversité pourrait bénéficier à travers nos actions. Cet atelier est vraiment arrivé au bon moment car je pense que dans les années à venir, le Standard SfN va devenir un outil indispensable que de plus en plus de partenaires financiers vont exiger. » Mariano Gboja Houngbedji – Directeur technique à ODDB ONG et membre de l’UICN Bénin
« On est dans un processus d’apprentissage donc appartenir au réseau d’OSC PPI nous permet d’apprendre de leurs expériences, d’identifier les failles et ne pas reproduire les mêmes erreurs. Si chaque organisation développe des actions à la fois individuellement mais aussi collectivement, alors on pourra avoir un impact et montrer que les SfN sont porteuses de solutions. » Laurenda Todome – Directrice des opérations chez ACED
Au-delà d’une meilleure appréhension du concept et de la mise en réseau, l’atelier a également permis de présenter aux OSC participantes l’enjeu des opportunités de financements internationaux à venir sur les SfN dans la sous-région. A titre d’exemple, la Banque Mondiale a en effet engagé près de 5,5 milliards de dollars pour financer des projets en liens avec les SfN entre 2012 et 2021, principalement en Afrique.[1]
Le Standard SfN, un outil stratégique pour une meilleure transversalité dans les projets de conservation de la biodiversité en Afrique de l’Ouest
En Afrique de l’Ouest, le contexte culturel apparait plutôt favorable à la diffusion des SfN. Face aux défis de la pauvreté et de la vulnérabilité climatique en Afrique de l’Ouest, les SfN apparaissent d’autant plus adaptées puisqu’elles visent une approche intégrée qui permet de concilier résilience climatique, conservation et développement humain, en rassemblant une pluralité d’acteurs aux intérêts divergents et souvent conflictuels.
Si de nos jours, la notion est bien perçue et pénètre de plus en plus dans les sphères des praticiens, politiques et chercheurs nationaux, les connaissances sur les SfN dans la sous-région restent encore globalement assez sommaires[2]. Il y a donc un réel enjeu de diffusion et de formation pour une maitrise opérationnelle du concept. C’est pourquoi, une réplique de l’atelier pourrait être envisagée et élargie aux communautés de chercheurs et politiciens.
D’autre part, l’adaptation du Standard, en tant que modèle international de référence, aux réalités locales, semblent constituer un autre défi important pour les OSC qui souhaiteraient une meilleure intégration de leurs problématiques.
« Les SfN vont permettre de résoudre certains enjeux transversaux importants dans notre région comme l’accès à l’eau, la sécurité alimentaire et le changement climatique. Toutefois, comment appréhender les SfN par rapport au défi sécuritaire ? Au Burkina Faso, les aires protégées sont en effet utilisées par des groupes terroristes à la fois comme refuge et comme sites d’attaques. Le défi sécuritaire devrait donc être davantage être pris en compte dans le Standard SfN si l’on veut pouvoir évaluer des projets dans nos contextes. Mais si l’outil est amené à évoluer, alors je pense que c’est à nous de prendre les devants et d’innover pour l’adapter à nos besoins. » Mamadou Karama – Directeur Exécutif de l’ONG AGEREF au Burkina Faso
Si les SfN n’ont pas forcément vocation à répondre à toutes les problématiques auxquels les sociétés sont confrontées, il serait intéressant de prospecter d’avantage afin d’amener plus de transversalité entre les SfN et les Objectifs de Développement Durable (ODD). Ainsi, obtenir des recommandations pour la réévaluation du Standard SfN grâce aux retours d’expériences des OSC PPI présentes à la formation, pourrait constituer un point d’étape, à suivre dans les mois à venir.
Retrouvez la vidéo de l’Atelier SfN au Bénin
[1] Résilience climatique : les solutions fondées sur la nature montent en puissance à la Banque mondiale (worldbank.org)
[2] D’après un sondage effectué par l’ONG ACED dans 8 pays ouest africains en 2022